Pour faire bouger les lignes, il importe donc d’être à l’initiative sur des bases politiques claires, aptes à faire émerger le large rassemblement nécessaire des forces de paix.
Extraits du rapport de Vincent Boulet
1. Condamnation des actes terroristes du Hamas et des crimes de guerre, et massacres de masse commis par l’armée israélienne.
2. La libération des otages.
3. Un cessez-le-feu immédiat avec la fin des bombardements et du déplacement forcé de la population et le retrait de l’armée israélienne de Gaza.
Les responsables israéliens et ceux du Hamas doivent répondre de leurs actes devant la justice internationale. Cela implique de faire pression sur le gouvernement Netanyahou, ce qui implique de cesser l’exportation des armes en direction de l’État d’Israël et plus largement de toute coopération militaire et de suspendre l’accord d’association qui lie celui-ci à l’Union européenne, tant que le droit international sera bafoué. L’article 2 de cet accord précise : « Les relations entre les parties, de même que toutes les dispositions de l’accord lui-même, doivent se fonder sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques, qui inspire les politiques nationales et internationales des parties et constitue un élément essentiel de l’accord. » Cela implique aussi de faire pression sur les pays qui abritent les circuits de financement du Hamas et hébergent ses dirigeants, afin que ces derniers soient remis entre les mains de la Cour pénale internationale.
4. La perspective de paix, sur la base de l’application des résolutions de l’Onu, est la seule possible pour le peuple palestinien et le peuple israélien.
Il faut appliquer maintenant les résolutions de l’Onu, en particulier les résolutions 242 du 22 novembre 1967 et 338 du 22 octobre 1973, afin d’ouvrir la voie à une solution de paix à deux États, vivant en sécurité, sur la base des frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale de l’État de Palestine.
Rappelons que le mouvement palestinien a de facto reconnu l’existence de l’État d’Israël depuis le 12e Congrès national palestinien de 1974, puis par la charte de l’OLP, alors que toute perspective de paix était on ne peut plus lointaine. Rappelons que l’État d’Israël n’a jamais reconnu l’État de Palestine. La perspective des deux États est certes une perspective difficile. De plus, entre les accords de paix d’Oslo et 2021, le nombre de colons israéliens a quadruplé en Cisjordanie, passant de 116 300 à 465 400. Ces colonies ont grignoté le territoire palestinien et éloigné de fait la solution des deux États. La perspective des deux États est cependant la seule praticable. Quelle serait l’alternative ? Un État unique réduisant, comme veut le faire Netanyahou, la Palestine à des « entités infranationales », c’est-à-dire des bantoustans ?
La réconciliation des deux peuples sera un processus long. Pour y aboutir, les Palestiniens doivent pouvoir exercer leur souveraineté dans un cadre propre. L’histoire montre que les colonies peuvent et doivent être démantelées. En 1982, à la suite des accords de paix de Camp David de 1978, Israël évacuait la totalité des bases et des huit implantations du Sinaï égyptien ; le Premier ministre était alors pourtant le faucon Menahem Begin. En 2005, Israël évacuait les bases et les vingt colonies de peuplement de la bande de Gaza ; le Premier ministre était aussi un faucon, en l’espèce Ariel Sharon.
Le processus de paix sur cette base peut être engagé par la France dès maintenant en reconnaissant l’État de Palestine, comme l’a voté le Parlement français en 2014, et ainsi que l’ont fait 138 pays, dont la Suède et le Vatican, l’Onu, l’Unesco et la CPI. La reconnaissance et l’existence d’un État palestinien est la clé d’entrée de plusieurs problématiques : la question des frontières, des terres et surtout, la question du droit au retour des Palestiniens. L’acquisition pleine et entière d’une nationalité est la seule vraie possibilité pour tous les Palestiniens, et notamment ceux qui croupissent dans les camps de réfugiés comme au Liban, aujourd’hui apatrides, d’accéder à une réelle citoyenneté. Il s’agit de la position de l’Onu dont le Secrétaire général a déclaré à l’occasion de la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien (22novembre 2022) : « La position des Nations unies est claire, la paix doit progresser – l’occupation doit prendre fin. Nous sommes fermement déterminés à concrétiser la vision de deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte, dans la paix et la sécurité, avec Jérusalem comme capitale des deux États.»
Le PCF fut le premier parti à appeler la France à reconnaître l’État d’Israël tout en appelant « à ne pas laisser poser le problème sur le plan racial » (par la déclaration du Bureau politique du 27 mai 1948). Il est aujourd’hui le premier parti à appeler la France à reconnaître l’État de Palestine. Fabien Roussel fut d’ailleurs le seul responsable politique à porter cette exigence lors du débat à l’Assemblée nationale le 23 octobre dernier.
La France peut et doit prendre des initiatives dans cette direction. Le gouvernement d’Emmanuel Macron, dans les jours qui ont suivi le 7 octobre, a poursuivi la politique d’effacement et de banalisation de la voix de la France, cristallisant d’ailleurs en partie les colères des peuples de la région. S’il fut un des premiers dirigeants à faire le voyage de Ramallah, en plus de celui de Tel Aviv, Macron a mis un mois pour appeler à un cessez-le-feu. Cependant, des fractures et des contradictions apparaissent désormais au grand jour. La politique française est écartelée entre un alignement atlantiste et la tentation de revenir à une politique indépendante. Il faut pousser ces contradictions et exiger que les récents appels au cessez-le-feu et à une solution politique se traduisent en actes. Sous pression d’une partie du corps diplomatique qui, fait rarissime, s’est exprimé à travers une lettre au Président de la République pour dénoncer un alignement trop grand sur Netanyahou et pour appeler à un retour de la politique traditionnelle de la France, illustrée par le voyage de Chirac en Israël et en Palestine en 1996, la politique de la France a ces derniers jours connu une inflexion. Cela est illustré par le vote en faveur de la résolution de l’Onu du 27 octobre, en dépit du vote négatif des États-Unis, et de l’abstention de l’Allemagne et des pays d’Europe de l’Est, puis le 11 novembre par un appel à un cessez-le-feu.
Cette inflexion doit être considérablement renforcée, accélérée et surtout se décliner en actions concrètes. Les prises de position d’acteurs politiques parfois éloignés de nos positions, telle celle de Dominique de Villepin, sont des aides. Notre exigence de reconnaissance de l’État de Palestine, comme moyen de redonner de la vigueur à la solution à deux États, peut être poussée. Il est possible de gagner.